Le bondage... cet art si attachant
Le shibari, ou l’art d’attacher, appartient à la culture japonaise. Autrefois utilisé comme technique de punition, le bondage est aujourd’hui surtout un objet de fascination. Rencontre avec Dominic Vincent qui, depuis plusieurs années, vit une liaison passionnée avec cette forme d’art méconnue.
Dominic fait partie des rares Québécois à maîtriser le shibari. Méconnu en Occident, le ficelage artistique est pourtant une véritable institution au Japon. Il existe des écoles, et ceux qui maîtrisent cette pratique, les nawashi (artistes de la corde), parviennent à vivre de leur art en attachant des femmes pour des magazines, des tournages ou dans des bars. Il est d’ailleurs possible d’assister à des spectacles dans de petits théâtres et des boîtes de Tokyo. «Des performances publiques de shibari sont chose courante au Japon. Elles mettent en scène des femmes qui s’entraînent, qui le font sur une base volontaire et qui sont rémunérées, explique Dominic. Et au même titre que nos soirées électroniques québécoises, il y a des soirées shibari dans certains bars de Tokyo.»
Fou à lier!
Communément appelé bondage, le shibari est une pratique qui consiste à contraindre, d’une manière quelconque, le corps du partenaire, en totalité ou en partie, généralement à l’aide de cordes de chanvre. L’immobilisation complète du partenaire n’est pas nécessairement le but. Associé à tort au sadomasochisme, où il est généralement un outil, le bondage pur est un but en soi, celui de l’esthétique.
C’est cet aspect qui intéresse Dominic, tombé dans le shibari lorsqu’il était petit. Dès l’âge de 12 ans, il est intrigué par des images de corps ligotés vues sur un babillard électronique. «Les cordes m’ont toujours fasciné. Déjà, enfant, j’attachais mes amis de manière un peu démesurée quand on jouait aux cowboys! » explique le jeune homme de 28 ans. Autodidacte, il est parvenu à perfectionner son art au fil des ans grâce à de nombreuses lectures sur le sujet et aux conseils prodigués par des professeurs avec qui il a eu la chance de développer une amitié. Avec la pratique, Dominic est passé maître dans l’art de faire des suspensions, c’est-à-dire de maintenir le sujet ficelé dans les airs. «J’ai d’abord essayé les techniques sur moi, explique-t-il. Je me construisais un genre de harnais dans lequel je m’enveloppais et j’effectuais des tests.»
Point de suspension
Dominic s’adonne au shibari durant ses loisirs depuis maintenant sept ans. Une séance avec suspension dure environ 15 minutes. Avant de passer à l’action, il prend soin de dialoguer avec la personne qui sera suspendue. «Je tiens à connaître les désirs de l’individu pour déterminer ce que je vais lui faire faire, et pour limiter les conversations durant mon travail, précise-t-il. Je prépare aussi la pièce pour qu’il y baigne une atmosphère propice à la détente avec des ambiances sonores et des lumières colorées. Ainsi, la personne peut se relaxer et entrer dans un genre de transe. Si elle résiste, elle peut ressentir de la douleur.»
Ainsi, le ou la volontaire s’abandonne complètement alors que Dominic noue des cordes autour de son corps. «C’est un traitement-choc, on ne se le cachera pas. Le fait d’être suspendu dans les airs et de savoir que sa vie est entre les mains d’un étranger est éprouvant. Mais l’expérience n’est pas réellement douloureuse physiquement. Oui, les cordes serrent et nous immobilisent, mais en même temps, on se sent complètement enveloppé. Mes sujets pleurent souvent après s’être prêtés à l’expérience, tellement ils doivent s’abandonner. Ils vivent une relâche émotive.»
D’ailleurs, Dominic songe à faire un jour du bondage un art thérapeutique. Comme l’acupuncture, les cordes peuvent appuyer sur des points précis. «Certaines personnes m’ont dit qu’elles se sentaient plus détendues la semaine suivant la séance, précise-t-il. C’est un aspect intéressant sur lequel je me penche.»
Info FA : Noué au passé
Au Japon, le shibari fait partie d’une tradition à la fois historique et artistique. Bien que l’origine exacte du shibari demeure nébuleuse, les premières véritables techniques de bondage japonais furent utilisées en milieu militaire, à l’époque féodale, dans le but de capturer et d’immobiliser ou encore de torturer des prisonniers. La couleur de la corde et la façon de ligoter variaient selon la nature du crime et le rang du prisonnier. C’est vers la fin du XIXe siècle que seraient apparues les premières images érotiques japonaises où l’usage de la corde était représenté.
Attention, friction extrême
Même si Dominic ne pratique pas le shibari dans un but sexuel, il précise qu’il peut amener le sujet à jouir, le corps ayant de nombreuses zones érogènes. «Lorsque la personne bouge un peu, les noeuds frottent sur ces régions avec le poids du corps, et la sensation peut s’avérer très excitante. De plus, la notion de perte de contrôle est érotique pour certaines femmes.»
ll rappelle toutefois que le shibari peut être extrêmement dangereux et qu’en aucun cas on ne doit effectuer des suspensions en amateur. «Au cours de mes séances, je suis toujours aux aguets: je prends soin de la personne, je vérifie son pouls et je m’assure que la circulation sanguine dans les membres est adéquate. Même attacher son partenaire au lit peut être risqué si c’est mal fait, car la personne liée peut se débattre et bloquer la circulation sanguine dans ses bras.»
Agent provocateur
Question de partager sa vision artistique du shibari, Dominic a uni sa passion des cordes à celle de la photographie. Sur ses clichés, des femmes légèrement vêtues, cheveux dénoués, cambrées ou suspendues par un pied, sont magnifiquement mises en valeur. «Je trouve très séduisant de voir ainsi une femme et ses courbes dans des cordes. C’est comme une fleur qui s’épanouit. Parfois, je leur fais prendre des pauses un peu moins naturelles, mais qui font ressortir toute leur beauté et elles le ressentent, peu importe leur taille. J’ai effectué du shibari avec des femmes plus rondes et elles resplendissaient tout autant.»
On peut aussi apprécier l’art de Dominic dans un vidéoclip réalisé l’année dernière et dont son frère, Francis, a composé la musique. «Ce clip illustre le shibari et met en valeur les vêtements en latex. Le but de ce projet artistique était de créer un monde imaginaire qui amène les gens dans une autre dimension et éveille leur conscience, explique l’artiste. J’ai reçu des messages d’internautes qui, après avoir visionné la vidéo, ont eu envie d’ajouter du piquant dans leur sexualité avec leur partenaire de longue date ou un nouveau partenaire rencontrer sur site de casual sexe. Je trouve extrêmement gratifiant de savoir que j’ai pu contribuer à cet aspect de leur vie par un moyen autre que la pornographie.»
Initiation au bondageQuelques bonnes suggestions de lecture
|